Jamais je n’aurais osé rêver pareille aubaine. Les mots de la petite annonce dansaient encore devant mes yeux : « Si vous souhaiter tenir un rôle de figurante dans la série The L Word, merci de vous présenter aux studios… »

J’ignorais encore si mes deux secondes d’apparition sur la bande apparaîtraient à l’écran, peu importait. Le principal avait été de côtoyer toute une journée ces femmes devenues au fil des épisodes de véritables icônes lesbiennes. Mon « rôle » avait été de rouler un patin à une nana dans un décor à l’apparence d’une boîte, devant Carmen en d’jette.

Carmen… des années que je fantasmais sur ses grands yeux sombres, sa bouche brillante, ses beaux seins ronds, et son cul qui représente pour moi la première merveille du monde. Seulement voilà : la belle jouait dans la catégorie hétérotte en dehors du plateau de tournage.

J’attendais donc un bus afin de rentrer à mon hôtel, ravie de cette journée, quand un juron détourna mon attention. Carmen gara sa voiture à quelques mètres, descendit, et flanqua un coup de pied rageur au pneu avant droit. Je me précipitai et proposai mon aide sans attendre.

– C’est gentil, soupira ma belle désirée. Je ne suis pas douée en mécanique.

Changer une roue est devenu facile pour une faible femme avec l’outillage moderne. Je fis pourtant traîner l’opération, profitant ainsi de son parfum et de son décolleté, mes doigts courant sur les siens à la moindre occasion.

– Je peux vous déposer ? me proposa Carmen quand la voiture fut de nouveau apte à rouler. Son sourire me fit fondre.

Los Angeles, une adjonction de quartiers sans véritable centre, donnait l'impression de tout avaler sur son chemin. Du Pacifique au désert, de la richesse à la misère, les artères saturées de circulation se déployaient en autant de tentacules. Qu’importait ! La beauté en train de conduire souplement m’attirait plus que le paysage. Je devais trouver le moyen de…

– Si j’osais, fis-je sans exagérer une soudaine timidité, j’aimerais vous inviter à dîner.

– Pourquoi pas, balança Carmen. Vous pourrez me parler de Paris.

Quand les copines allaient savoir ça, je passerais sans doute pour la plus grande mytho du Marais.

Le réceptionniste de l’hôtel hésita entre sourire de convenance et appel au scandale. Il avait visiblement peur qu’on se fasse remarquer avec nos mains pleines de graisse noire à cause du changement de roue. Je proposai donc ma chambre à Carmen pour faire un brin de toilette. Quand l’ascenseur nous déposa au 15^ème étage, on avait adopté le tutoiement.

Épaule contre épaule devant le lavabo, je lançai la discussion sur la série, histoire de ne pas laisser s’instaurer un silence gênant.

– Ça ne te dérange pas de tenir un rôle de lesbienne alors que t’es hétéro ?

– Non, souffla mon invitée. L’idée est originale, et je ne suis pas homophobe, rassure-toi.

– Merci, dis-je un peu tremblante. Son odeur naturelle transparaissait à travers son parfum léger et me saoulait. On le devine tant que ça chez moi ?

– Oh ! Toutes les filles qui demandent à faire de la figuration dans The L word le sont, c’est logique. Mais c’est la première fois que je tourne avec une Française.

À suivre…